Descendre le Douro avec 2 Dart18 – La préparation

Douro J-8m: Genèse d’un rêve en Dart18 solo !

D’accord Jacques? Pour un raid en solo à deux Cata l’été prochain ? On est au mois de juin et nous venons juste de terminer bord à bord en catamaran le tour de l’ile de Ré en sept heures et quelques. Jacques m’a battu d’une bonne minute à l’arrivée à La Rochelle dans le Raid des Baleines 2018. Et en réponse à ces questions Jacques me dit « Oui ça m’intéresse cette idée de raid ». Go! Go! l’idée est lancée.

On s’est revu ensuite en octobre à Arradon pour la Catagolfe, grand rassemblement annuel de catamaran dans le golf du Morbihan. Jacques confirme son intérêt, et moi aussi je confirme, et nous passons l’hiver à élaborer quel type de raid nous conviendrait à tous deux. J’ai l’expérience du tour de France 2015 plutôt spartiate, et Jacques aime bien la simplicité et le confort gastronomique. On doit pouvoir trouver un juste milieu. Jacques propose le Portugal dont il rêve depuis longtemps, avec des options types côtier Porto-Biarritz, ou une remontée à St Jacques de Compostelle avec une étape de 50 km à pied plus le retour, ou une descente de Porto vers le sud en côtier, ou naviguer sur le Douro et traverser le Portugal. Certes les côtiers sont attirant, mais les points de mouillage ou d’échouage sont rares avec des côtes pleines de falaise et de caillou partout, et la houle de nord-ouest est toujours forte. C’est bon pour les planchistes ou le kitesurf dans ces zones, mais pas bon pour le cabotage. On retient assez rapidement l’option Douro, sans grand risque pour naviguer, et aux paysages très  pittoresque. Il y a très peu de littérature sur la navigation sur le Douro dans sa partie navigable du Portugal et rien du tout pour la voile. Des amis de Jacques sur place au Portugal lui envoient des informations type carte fluviale sur le Douro avec ses cinq écluses de hauteur impressionnante et aussi un peu de littérature plutôt touristique que nous étudions en détail.

Jacques analyse finement tout le parcours sur GoogleEarth repérant les endroits pour accoster et pour se restaurer. Il en ressort que c’est jouable pour deux Dart18 en solo avec toutefois deux contraintes incontournables. D’une part le tirant d’air est affiché à 7,20 m sans vraiment préciser si c’est en crue ou en étiage, et d’autre part il faut une petite motorisation pour manœuvrer hors voile dans les hautes écluses. Démâter et remâter avant et après chaque point bas semble bien difficile et manœuvrer à la pagaie dans les écluses semble très risqué. Jacques me passe une chaise moteur pour Dart18 qu’il a ramené des iles du bout du monde quand il habitait là-bas, et moi je lui dit que je vais réfléchir à ce problème de tirant d’air et de démâtage. Bonjour l’hiver dans nos chaumières à cogiter, à surfer sur le net, à imaginer comment transformer ce rêve en réalité et à revoir ses cours de trigonométrie. Il faut trouver une deuxième chaise moteur, deux petits moteurs thermiques et passer la tête de mât en dessous de 7.20m. Pas compliqué le problème, il n’y a plus qu’à trouver des solutions et choisir les meilleures. Et, au fait, il y a aussi des passages d’écluse à organiser, contacter les autorités locales, avoir les autorisations de naviguer sur le Douro, sans parler de l’intendance alimentaire et de la logistique voiture et remorque, et aussi et toujours le problème de dessalage et de ressalage en solo. Cool, six mois de préparation ce n’est pas de trop.

Douro J-6m: Chaises et moteurs pour Dart18

J’avais entendu parlé dans les années 90 qu’il existait des chaises moteur HB pour Dart18 (avec une référence FC1520CM et limité à 3CV) , mais je n’en avais jamais vu. Quand Jacques me dit en avoir une, très ancienne aussi, je suis impatient de la voir. En fait elle est assez simple, deux pièces de ferraille inox pliées, une planche de contreplaqué marine et 3 écrous rondelles et boulons tout inox.

Les deux ferrailles s’insèrent dans les fentes avant et arrière de la poutre arrière tout simplement. La forme des pièces évite qu’elles s’échappent des fentes de la poutre et laisse passer le chariot de la GV. Ingénieux et simple à priori.

Chaise en bout bâbord de poutre

Petit problème tout de mème, la pièce avant ne s’emboite pas dans la rainure de la poutre, il a fallu meuler (la pièce, pas la poutre), limer et poncer des heures pour l’insérer sans trop de difficulté.

Voilà enfin le montage provisoire en bout de poutre. En final il faut évidement la monter derrière la glissière du chariot de GV et entre deux coulisseaux de trampoline. Maintenant il faut en trouver une deuxième, et personne dans tribu des Dartistes n’en possède. Il faut se résoudre à en fabriquer une copie. Mais sans planche d’acier inox, sans scieuse conséquente, sans plieuse de même, il a fallu bricoler et assembler des équerres de charpente pour que cela ressemble un peu au modèle de la chaise. Je passe les détails, mais en final la deuxième chaise semble aussi pouvoir bien faire l’affaire.

Pour les moteurs, les promotions de début d’année annoncent des 2,5CV thermiques pas trop cher, et surtout suffisamment léger, à moins de 1000 Euro et moins de 15 kg en arbre long. Pour manœuvrer dans les écluses et sur le Douro assez lent cela semble optimum. On opte aussi rapidement pour des jerrycans de 10l plutôt que 5l. Le problème de la motorisation semble donc bien réglé. L’expérience et la pratique nous montreront que tout n’était pas vraiment réglé. A suivre….

Douro J-4m La chèvre et le tirant d’air

Le problème du moteur étant apparemment résolu il faut s’attaquer au problème du tirant d’air à 7,20 m. Le mat mesure 8 m et la boule de pied de mat est largement estimée à 50 cm de hauteur sur l’eau. Donc le problème se ramène à : Comment faire passer 8,5 m dans 7,2 m de hauteur. Posez le problème comme cela, et les réponses viennent facilement à l’esprit: 1) on couche le 8,5 m à plat (= démâtage), 2) on plie le 8,5m en deux (= blague), 3) on incline le 8,5 m jusqu’à ce qu’il passe sous 7,2 m de haut (=bonne réponse). C’est là où il faut se remémorer ses cours de trigonométrie, déjà bien lointain, mais allons-y.
Si A est l’angle de quête (entre la verticale et le mât) il faut donc que : 8*cos(A) + 0,5 < 7,2 ou autrement dit A > arccos(6,7/8) avec les bonnes unités d’angle évidement, soit A > 0,5781 radian. Super content les angles en radian, et en degré d’angle çà fait combien ? On divise par Pi et on multiplie par 180 est la réponse est donc : Angle de  Quête > 33,2°. Super la trigonométrie, mais maintenant comment incliner le mat de plus de 33° quand on est sur l’eau assis sur le trampoline, avec un peu de clapot et la GV (on prévoit de naviguer en solo sans foc). Donc le problème de tirant d’air est devenu un problème de trigonométrie puis maintenant c’est un problème de « Haubanage/Matelotage ». Hé, facile la solution ! Il faut allonger la patte d’oie ou l’étai de foc pour baisser le mât, et puis après il faut tout raccourcir pour relever le mât. Ce serait certes possible pour des petites quêtes, mais, pour 33° et plus, l’angle de traction sur les cadènes serait trop fort avec une force perpendiculaire de traction beaucoup plus forte. Torsion de la cadène assurée avec en plus casse ou arrachage de la cadène ! Une autre solution pour baisser le mât en tirant dans l’axe des cadènes de façon modérée ?

Hé oui, ici il faut réinventer la chèvre, très vieille technique pour résoudre ce type de problème. Ici je vais passer les calculs de longueur et d’angle de chèvre pour aller directement au résultat.

Pour le détail, la chèvre est attachée d’un coté à la boule de pied de mât par une solide cordelette, et de l’autre coté d’abord à un hauban de Dart18 frappé sur la ferrure de capelage et ensuite sur une poulie avec une drisse entre les deux cadènes, laquelle drisse revient vers l’arrière par une poulie sur une cadène et se coince dans  le taquet coinceur de la poulie de foc type DS513, facile à comprendre n’est-ce pas. Il faut vite faire un nœud sur la drisse de chèvre pour éviter la chute du mât, et aussi faire des marques sur la drisse pour indiquer position haute et position basse. C’est tout, et çà marche.

Je met en ligne la descente (vidéo 50 Mo) mais je ne sais pas encore bien compresser les vidéos, ni les photos d’ailleurs, pour une visualisation fluide et rapide avec un fichier plus léger. En espérant que le chargement n’est pas trop long.Tous les conseils à ce sujet sont bienvenues. La remontée se fait en tirant sur la drisse.


Cela parait simple comme cela, mais il y a encore des précautions à bien prendre pour éviter des casses (du vécu hélas, éclaté la fonderie du pied de mât). Tout d’abord affaler la GV. Ensuite mettre la goupille de pied de mât. Ensuite il faut que le mât descende le plus droit possible, et non pas trop sur un coté comme il aurait naturellement tendance à faire car les haubans deviennent tout détendus avec tant de quête. Pour cela on met deux poulies qui  coulissent sur chaque hauban et qui sont tirées en arrière vers des taquets coinceurs (type Cunningham) fixés prés de coins de poutre arrière. Il faut tendre les deux simultanément pour garder le mât à peu près centré sur l’axe du catamaran.

Autre détail, en navigation la patte d’oie est fixée sur des mousquetons fixés aux cadènes de foc. Sur l’eau pour manœuvrer la chèvre à la descente, il faut aller assis sur la coque près des cadènes détacher les  mousquetons des cadènes (et les fixer de chaque coté sur la drisse de chèvre pour les rattraper plus tard) puis faire le contraire ensuite après la remontée du mât.

Douro J-2m Et le reste des préparatifs

Pendant que je travaillais d’arrache-pied de mât (promis, je ne la ferais plus) aux problèmes techniques, Jacques travaillais de son coté sur les aspects logistiques, intendances et administratif. Il fait un voyage de reconnaissance sur place à Porto pour repérage et prise de contact administratif pour « vendre » notre projet aux autorités locales et trouver de la documentation technique sur le Douro.
La logistique. Pour l’aller : On prévoit un jour chez Jacques de mise à niveau des deux catamarans et un peu de ravitaillement petit déjeuner. Un jour pour descendre à Barca de Alva sans savoir où dormir et valider une rampe de mise à l’eau. Un jour de montage sur place et garer les deux voitures et les remorques. Puis partir sur le Douro
Pour le retour on prévoit de laisser les catamarans à la marina de Porto, remonter par le petit train aussi loin que possible dans la vallée du Douro puis rejoindre Barca de Alva en stop ou en taxi. Repartir vers Porto avec voitures et remorques, démonter les catamarans, les remettre sur les remorques et rentrer en France.
L’intendance. Très simple, de quoi petit déjeuner en sauvage, et tous le reste en restauration magasin sur place, ou profiter de la gastronomie locale. Finalement, les sacs contiennent le couchage, la toilette, appareils de photos, smartphone, caméra pour Jacques, VHF, GPS, vêtements de navigation et de rechange et un peu d’outillage de base. Et une bouteille de champagne de France pour l’arrivée.
L’administratif. Ramses18 et Jade17 sont déjà inscrit aux Affaires Maritimes en France, mais il faut encore décliner identité, certificat et jauge aux autorités portugaises qui gèrent la navigation sur le Douro. C’est assez compliqué mais les contacts de Jacques durant son repérage du printemps nous ont bien aidé à « naviguer » dans un logiciel d’identification, d’inscription et d’enregistrement digne d’un super geek. Finalement l’inscription passe en indiquant que les catamarans sont motorisés, et on a le droit de naviguer sur le Douro, mais pas encore celui de passer les écluses. On s’était dit que nous verrions sur place pour les passages des écluses, ce qui sera une grande première pour Jacques. On prévoit de passer les écluses en début de journée, ce qui permet de ne pas faire la course la veille et de profiter à loisir des après midi tranquillement. On emmène aussi des pavillons portugais et français. Jacques a aussi dessiner un super logo pour ce raid ce qui agrémentera bien les visuels sur les coques et les voiles.
Visuels Douro

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